Christian Vankoekelbergh
Ecriture
Téjat
Le Congrès
Chapitre 1 (Partie2/2)
Illustration Sairaphina Kro
Norbert trouve enfin une place pour sa voiture. Une fois sorti,
j’observe encore autour de nous pour voir si un détail ne m’a pas
échappé mais je ne vois toujours rien qui puisse m’éclairer. Norbert,
intrigué par mon air perplexe me demande :
Norbert : « Quelque chose ne va pas Téjat ? »
Je
ne sais pas trop bien comment réagir, dois-je lui répondre et passer
pour un bleu ou garder les questions pour moi et attendre la surprise ?
Il ne m’a pas fallu longtemps pour me décider, je préfère attendre sans
savoir, sinon, c’est comme si je regardais pour la première fois un film
en connaissant déjà la fin ! Je lui réponds donc :
Téjat : « Non, ça va, je regarde juste le paysage. On y va ? »
Caprice, les sourcils soulevés avec un air amusé me dit :
Caprice : « Tu as l’air pressé d’y arriver maintenant, c’est bien ! »
Nous
prenons donc le pas et nous nous dirigeons tous trois vers l’escalier.
C’est vraiment étrange, à part les voitures dans le champ, les arbres
qui les entourent et cet escalier qu’un drôle de promoteur a décidé de
mettre en démonstration, je ne perçois aucun signe d’activité.
Soudain,
je vos comme une ombre apparaître dans la pénombre ; une fois proche,
je me rends compte que c’est un homme, noir, avec de longs cheveux
tressés en plusieurs mèches et portant un bouc. Il est vêtu d’une longue
toge brune et porte des sandales. En nous voyant, l’homme se dirige
vers nous et, en souriant, s’exclame :
Janvier : « Mais qui voilà, Norbert et Caprice, comment allez-vous ? »
Visiblement,
ils se connaissent déjà, je dirais même qu’ils s’apprécient car lorsque
Caprice et Norbert ont reconnu l’homme, ils se sont avancés d’un pas
rapide et l’ont pris dans leurs bras pour se saluer. L’homme se retourne
maintenant vers moi et me lance :
Janvier : « Et là, qui avons-nous, je ne pense pas te connaître… »
Je lui réponds intrigué :
Téjat : « Non, nous ne nous connaissons pas, je m’appelle Téjat, et vous ? »
Il poursuit :
Janvier
: « Je m’appelle Janvier. Téjat, si je ne me trompe pas, c’est le nom
d’une planète dont le nom signifie la possibilité d’un aboutissement
lorsque l’on persévère dans ce que l’on désire ? »
Surpris par son savoir, je lui réponds :
Téjat : « Oui, c’est exactement ça. »
Janvier
: « Je trouve ça très bien, tu es de ceux qui prennent leur temps
lorsqu’ils touchent à la magie, pas comme les praticiens de la magie
noire, qui veulent tout directement sans même penser aux conséquences ?
Et quel est ton vrai nom ? »
Je
me demande pendant quelques secondes si je dois lui dire, si j’ai pris
le surnom Téjat, c’est pour me protéger et surtout protéger ma vie
privée, même Caprice et Norbert ne connaissent pas mon vrai nom. Moi qui
pensais que tous les pratiquants de magie portaient un surnom ! Je me
retourne vers mes compagnons, cherchant dans leur regard à savoir si je
peux faire confiance à ce nouveau venu et reviens sur celui de Janvier.
Finalement, décidant que sa tête m’inspire confiance, je lui confie :
Téjat : « Mon nom est Kévin. »
Norbert me tape l’épaule d’un air apitoyé autant qu’amusé et me lance :
Norbert
: « Et bien Kévin, je préfère franchement mieux Téjat, alors on va
continuer avec ce surnom si ça ne te dérange pas trop ! »
Dans un sens, Norbert réussit à alléger l’ambiance étrange qui règne. L’homme reprend la conversation :
Janvier : « Mon nom est Paul mais, ici, tout le monde m’appelle Janvier. »
Je le regarde d’un air intrigué, attendant la suite de sa présentation…
Janvier
: « Janvier était un évêque. Il a été décapité pour sorcellerie et son
corps repose dans une église à Naples. Lorsque j’ai visité cette église,
j’ai vu son sang enfermé dans une fiole à côté de son cercueil. Ce sang
a commencé à se liquéfier et à bouillonner devant mes yeux. Le prêtre
qui m’accompagnait n’en revenait pas, il m’a expliqué que ce phénomène
ne se produisait qu’une fois en septembre, alors que nous étions en
mars, et que le sang ne faisait que se liquéfier, il n’a jamais
bouillonné ! J’avais l’impression que l’esprit de cet évêque désirait
revenir dans ce monde, j’ai alors décidé de prendre son nom pour le
faire revenir à travers moi. »
Je suis resté bouche bée
devant les propos de Janvier, au même moment, Norbert nous a proposé de
continuer notre chemin vers ces drôles d’escaliers témoins.
Il est pourvu d’un angle droit entre deux volées de marches et est éclairé par trois projecteurs.
Caprice, scrutant l’horizon au loin, fait remarquer :
Caprice : « La brume commence à se lever, nous allons avoir une nuit glaciale ! »
On
peut effectivement distinguer comme un léger brouillard se dégageant du
sol, je suis bien content de m’être habillé chaudement !
Nous
arrivons en bas de l’escalier, il est juste assez large pour passer à
deux de front. Janvier, arrivé avant nous à cet étrange édifice ne
menant à rien nous invite à monter :
Janvier : « Après vous mes amis. »
Norbert
et Caprice, d’un pas assuré prennent les devants. Janvier et moi les
suivons de près. Soudain, Janvier se met à rigoler tout seul. Voyant que
je me retourne vers lui l’air intrigué, il me dit :
Janvier : « Sais-tu au moins où l’on va ? »
Téjat : « Non, c’est la première fois que je me rends à ce genre de congrès. »
Janvier
: « Ah, la première fois, je m’en rappelle comme si c’était hier.
Maintenant, après autant de temps, je me suis habitué mais on n’oublie
jamais la découverte de ce lieu. Crois-moi, c’est la première fois qui
est le plus impressionnant ! »
Arrivés en haut des marches de l’escalier, nous nous retrouvons sur un petit plancher d’environ deux mètres carrés.
De cet endroit, on voit les silhouettes des arbres des forêts environnantes se dessiner sur la clarté de la lune.
Pas un son ne vient irriter nos oreilles. C’est comme si nous étions seuls dans cet endroit.
Personnellement, je ne comprends toujours pas ce que nous faisons, perchés sur cet escalier sans destination !
Et
là, sans explication, voilà que Norbert frappe trois fois le sol avec
le talon de sa chaussure ; je me remémore un quart de seconde une petite
fille prénommée Dorothy claquant trois fois des talons pour retourner
chez elle !
Le vent commence à se lever dans l’horizon,
se rapproche des escaliers et se met à tourner autour, de plus en plus
vite jusqu’à former une sorte de tourbillon au bout de notre passerelle,
tourbillon qui, une fois dissipé, laisse place à une double porte,
blanche et imposante, parsemée de rectangles gravés sur leur surface,
sans clenche et sans serrure, et semblant nous mener autre part.
Nous
nous dirigeons tous les quatre vers la porte, Janvier ne cesse de me
regarder en me lançant des sourires d'encouragement et de sympathie.
Au
fur et à mesure que nous avançons vers elles, les portes blanches
s’ouvrent, laissant apparaître une lueur claire et aveuglante, ne
laissant rien distinguer au travers.
Norbert et
Caprice, sans hésitation, s’avancent et traversent cette lumière. Me
rapprochant, je la fixe pour essayer de voir ce qui se trouve derrière
mais la luminosité est si forte qu’elle m’aveugle quelques secondes.
Janvier, me voyant un peu stressé à l’idée de me diriger vers l’inconnu me rassure :
Janvier : « Ne t’inquiète pas, tout se passera sans anicroche. »
Etrange,
cette impression de « déjà entendu » ! Il faut dire que Caprice n’a pas
arrêté de me répéter la même chose dans la voiture ! Janvier me prend
par le bras et m’entraîne, tout en m’encourageant :
Janvier : « Viens, allons-y. »
Il
avance alors vers la fin de la passerelle, je le suis, et nous tenant
le bras, nous entrons tous les deux en même temps dans la lumière.
Quelle drôle de sensation de flottement !!!